Commentaire de gestion - Decembre 2023

 Alors que les marchés avaient été quelque peu malmenés en octobre suite au discours de fermeté de Jérôme Powell tenu à Jackson Hole l’été dernier (le Président de la Fed n’excluait pas alors de relever davantage les taux si les pressions inflationnistes restaient trop élevées), les principaux indices, contre toute attente, ont fini l’année en apothéose, en venant s’approcher de leurs plus hauts historiques. La résilience de l’économie américaine, la poursuite de la décrue de l’inflation et surtout la décision des banques centrales en décembre de laisser les taux inchangés expliquent très largement ce retournement spectaculaire de la conjoncture boursière qui n’avait pas connu un tel rallye haussier de fin d’année depuis des lustres !

Autre facteur favorable aux bourses mondiales : les marges des entreprises se sont maintenues à de hauts niveaux et les perspectives de profit de nombreuses sociétés demeurent élevées malgré le ralentissement de la croissance mondiale et les tensions géopolitiques actuelles. Un constat particulièrement vrai pour les secteurs du luxe et des nouvelles technologies. En ce qui concerne le CAC 40, les trois sociétés les plus importantes en termes de capitalisation, à savoir LVMH, l’Oréal et Hermès, ont vu leurs cours progresser respectivement de +7,9%, +35,1% et +32,8%. Or, à elles seules, ces valeurs pèsent près d’un tiers dans la composition de l’indice !

Par ailleurs, les cours de bourse ont été stimulés par les programmes de rachats d’action poursuivis par de nombreuses entreprises. Selon les calculs de S&P Global – société américaine spécialisée dans l’information financière –, les entreprises dont les actions entrent dans la composition du S&P 500 ont racheté pour 576 milliards de dollars d’actions au cours des trois premiers trimestres 2023, un montant certes en baisse par rapport à 2022 mais qui demeure considérable !

Signalons enfin la bonne tenue des marchés obligataires portés au dernier trimestre par la poursuite de la baisse des taux engagée depuis la mi-octobre. Confortés par les premiers succès rencontrés dans la lutte contre l’inflation et les dernières déclarations des banques centrales, les investisseurs tablent aujourd’hui sur une première série de baisses des taux d’ici la fin du 1er semestre. Un scénario qui, s’il apparaît aujourd’hui réaliste, doit cependant être pris en compte avec une certaine prudence car étroitement dépendant de l’ampleur et de la durabilité du ralentissement économique actuel (même si la perspective d’un « soft landing » de l’économie américaine semble aujourd’hui l’hypothèse privilégiée par une majorité d’économistes). La solidité du marché du travail US pourrait en effet réactiver les pressions salariales, soutenant une inflation plus élevée. L’objectif de la Fed de revenir à une inflation à 2% sera sans doute plus long et plus difficile à atteindre que ce que les marchés anticipent aujourd’hui. 

Dans ce contexte, si la tendance désinflationniste apparaît à ce stade bien engagée et avec elle la perspective d’une baisse des taux fondamentalement favorable aux actifs risqués, il importe de ne pas occulter trop vite le manque de visibilité qui caractérise toujours l’évolution des économies occidentales. Avant de reprendre le chemin de la hausse, les marchés attendront sans doute les prochaines publications de résultats pour appréhender plus précisément l’impact du ralentissement actuel sur la croissance bénéficiaire des entreprises.

Par Philippe de Cholet