L’année boursière avait pourtant bien commencé pour les marchés européens (indice Euro Stoxx 50 en hausse de 10% sur les deux premiers mois de l’année), portés par des chiffres économiques plutôt rassurants (notamment sur l’inflation) et de bons résultats d’entreprises. L’amélioration des indicateurs avancés (PMI), la croissance des salaires réels, la poursuite attendue de la baisse des taux mais aussi les espoirs de trêve en Ukraine et d’un changement politique plus libéral en Allemagne ont été autant de catalyseurs favorables pour les actions européennes qui, une fois n’est pas coutume, ont nettement surperformé les actions américaines.
Si ce momentum positif s’est poursuivi tout début mars, alimenté par les plans de relance allemand (500 Mds€ consacrés aux infrastructures) et européen (800 Mds€ au réarmement de l’Europe), propulsant les indices européens sur leurs plus hauts historiques, des vents contraires venus d’Outre Atlantique ont ensuite progressivement refroidi l’optimisme des investisseurs. Alors que l’économie américaine fait preuve d’une vigueur toujours remarquable, l’agitation provoquée par la politique de Donald Trump, notamment en matière commerciale via l’augmentation drastique des droits de douane, semble perturber la confiance des consommateurs et des chefs d’entreprise américains. Parallèlement, les vagues de licenciements au sein des agences fédérales et les menaces d’expulsion des migrants étrangers ont érodé la confiance dans la solidité du marché du travail.
Dans ce contexte économique et géopolitique devenu très incertain, les économistes ont revu en baisse les perspectives de croissance de l’économie américaine, estimée aujourd’hui inférieure à 2% (contre 2,8% en 2024). Le spectre d’une récession de l’économie américaine - et ses conséquences qu’elle pourrait avoir sur l’économie mondiale - n’est désormais plus tout à fait écarté, entraînant une perte de confiance des investisseurs qui s’est répercutée négativement sur les marchés actions au mois de mars (S&P 500 et Euro Stoxx 50 respectivement en baisse de 7,5% et 4,5%).
Le renforcement de l’incertitude qui pèse aujourd’hui lourdement sur les actions s’est également étendu au marché obligataire. Si les attentes de baisse des taux d’intérêt n’ont pas beaucoup évolué en Europe – bien que Christine Lagarde ait récemment laissé entendre que le cycle de baisse des taux d’intérêt approchait de la fin – elles apparaissent en revanche beaucoup moins assurées aux Etats-Unis où le Président de la Fed a évoqué à l’issue de la dernière réunion de politique monétaire une incertitude « inhabituellement élevée » dans la première économie mondiale, en laissant ses taux inchangés. S’il est encore difficile à ce stade d’évaluer l’impact de l’augmentation des droits de douane sur l’inflation américaine, nul ne doute que les baisses de taux qui avaient été projetées cette année seront étroitement conditionnées par l’évolution de l’inflation et son impact sur la croissance.
Sur ces bases, la prudence reste plus que jamais de mise ! Le redressement des marchés – toutes zones géographiques et toutes classes d’actifs confondus - n’interviendra que lorsque la politique économique de Donald Trump offrira plus de cohérence et de visibilité. Les prochaines publications de résultats et surtout le discours délivré à cette occasion par les chefs d’entreprises (guidances) seront une étape importante dans la reconfiguration des scénarios macro-économiques qui s’opère actuellement. La période qui s’ouvre sera sans doute marquée par un certain attentisme qu’il conviendra de mettre à profit pour se repositionner - prudemment - sur les belles valeurs excessivement sanctionnées dans la tourmente actuelle, notamment les valeurs de croissance peu exposées aux droits de douane américains (cf les small et mid caps européennes).
Par Philippe de Cholet