Alors qu’elle avait pourtant bien commencé, l’année 2022 s’est conclue pour les bourses mondiales par un décrochage de 19,6% de l’indice MSCI World (exprimé en dollars), soit la plus mauvaise année depuis la crise financière de 2008 ! Dans un environnement très perturbé, marqué par la guerre en Ukraine, la flambée des prix de l’énergie (particulièrement aiguë en Europe), la remontée brutale des taux d’intérêts et une recrudescence de cas de Covid en Chine, rares ont été les places financières à résister à la tempête, si ce n’est - une fois n’est pas coutume - les marchés européens et notamment le CAC 40 qui grâce à Total (+31,4%), la deuxième pondération de l’indice derrière LVMH, est parvenu à afficher un recul limité (-9,5%).
Autre fait suffisamment rare pour être signalé, la corrélation entre actions et obligations dans la baisse, inédite depuis une cinquantaine d’années, n’a pas permis aux investisseurs de bénéficier de l’habituel amortisseur procuré par les placements obligataires en période de stress sur les actions. Alors que les marchés avaient trouvé leur équilibre dans un monde de taux négatifs ou nuls, la remontée des taux d’intérêt et la révision en baisse des perspectives d’activité les ont conduits à devoir s’ajuster de sorte que toutes les classes d’actifs se sont mises à baisser dans un même mouvement, sans exception.
Ces évènements, en partie inattendus (Ukraine, envolée des prix de l’énergie), ont renforcé les vents contraires qui soufflaient déjà depuis 2021. La résurgence de l’inflation imputable à la réouverture de l’économie et aux mesures de relance décidées pendant la crise sanitaire (apparition soudaine d’une crise de l’offre liée à la désorganisation des chaines de production), les craintes d’un ralentissement brutal de la croissance américaine après une période de surchauffe, enfin l’incertitude géopolitique (rivalité sino-américaine) étaient déjà au cœur des préoccupations des investisseurs.
Ces facteurs de risque se sont confirmés et amplifiés en 2022 avec le déclenchement de la guerre en Ukraine et ses répercussions sur les marchés de l’énergie et des matières premières. Face à une envolée de l’inflation qu’elles n’avaient pas anticipée, les banques centrales se sont résolues à mettre fin aux politiques monétaires ultra-accommodantes mises en place pendant la pandémie en relevant brutalement leurs taux directeurs (portés aux Etats-Unis de 0%-0,25% en début d’année à 4,25%-4,5% aujourd’hui !).
Si l’on en juge les dernières statistiques publiées de part et d’autre de l’Atlantique, l’action vigoureuse des banques centrales semble déjà rencontrer ses premiers succès à la faveur d’une normalisation des chaînes logistiques et du recul des cours du pétrole. Cette tendance favorable ne signifie pas pour autant que la Fed soit disposée à baisser la garde face à l’inflation qui, selon son président Jérôme Powell, doit se rapprocher de l’objectif de 2% par an avant d’envisager une baisse des taux. Autant dire que sur ces bases et avec une inflation supérieure à 7% aux Etats-Unis en 2022 (10% dans la zone euro), la mise en place de politiques monétaires restrictives apparaît durable, même si l’essentiel du durcissement monétaire a sans doute déjà été réalisé (les prochaines hausses de taux devraient être de moindre ampleur).
#Cette posture offensive se traduira-t-elle nécessairement par une récession des économies occidentales ? Si la question n’est pas encore tranchée à ce stade, la baisse du prix du gaz et de l’électricité, l’amélioration des indicateurs économiques avancés et les premiers signes d’un recul de l’inflation sur la période récente sont de bon augure pour la dynamique de la croissance en 2023, même s’il convient de rester très prudent car il est encore trop tôt pour mesurer l’impact du ralentissement actuel sur la consommation domestique et les résultats des entreprises.
Par Philippe de Cholet