Le fait marquant de cette fin d’année aura été de toute évidence l’élection présidentielle américaine. La victoire finalement beaucoup plus large que prévu de Donald Trump a été saluée comme il se doit par la bourse américaine (S&P 500 en hausse de près de 7% sur le seul mois de novembre !) qui s’inscrit aujourd’hui sur ses plus hauts historiques. Avec le Congrès et la Chambre des représentants dans l’escarcelle républicaine, Donald Trump est désormais en mesure d’appliquer ses promesses de campagne : réductions massives d’impôts, relèvement des tarifs douaniers, durcissement drastique sur l’immigration. Bénéficiant d’une croissance robuste, portée par d’importants gains de productivité liés à une révolution technologique qui ne cesse de s’étendre à l’ensemble des secteurs de l’économie américaine, Donald Trump porte l’espoir d’une politique pro-business de nature à donner confiance aux investisseurs.
Jamais l’écart de valorisation entre la bourse américaine et les bourses européennes n’aura été aussi important. Alors qu’il était équivalent il y a 20 ans, le Price Earnings Ratio (PER) entre le Stoxx 600 et le S&P 500 fait apparaître aujourd’hui une décote de 40% pour les valeurs européennes ! Un niveau record qui s’explique par l’aversion croissante des investisseurs pour l’Europe dont les perspectives économiques ne sont guère réjouissantes il est vrai. Traditionnels moteurs du projet européen, la France et l’Allemagne sont confrontés aujourd’hui à un ralentissement sensible de leur croissance. La perte de compétitivité des produits européens sur les marchés mondiaux, les coûts élevés de l’énergie, enfin et surtout l’affaiblissement de la croissance en Chine pèsent aujourd’hui lourdement sur l’activité industrielle du Vieux Continent. L’instabilité politique que connaissent la France et l’Allemagne depuis quelques mois contribue par ailleurs à renforcer la défiance des investisseurs pour une zone européenne jugée fragmentée, offrant un cadre réglementaire et fiscal moins favorable à l’investissement et à la croissance des entreprises que celui des Etats-Unis.
Si un retour des pressions inflationnistes ne peut aujourd’hui être exclu du fait des mesures protectionnistes que souhaite mettre en œuvre Donald Trump, force est de constater que la Fed ne semble pas disposée à ce stade à remettre en cause sa politique de détente monétaire comme en témoigne sa décision en novembre de baisser pour la deuxième fois consécutive ses taux directeurs. Une décision saluée par les marchés mais qui pourrait vite céder la place à une certaine inquiétude. Selon de nombreux investisseurs, les chiffres plus élevés que prévu de l’inflation publiés en novembre (inflation sous-jacente à 3,3%) pourraient en effet amener la Fed à se montrer plus prudente à l’avenir dans sa politique d’assouplissement monétaire. Un scénario qui ne serait guère favorable aux marchés actions dopés depuis deux ans par les espoirs de baisses des taux.
Dans ce contexte, une certaine prudence reste de mise. Si les actions américaines apparaissent aujourd’hui mieux positionnées que les actions européennes pour bénéficier de la redistribution de la richesse mondiale qui s’opère sous nos yeux, elles présentent néanmoins une valorisation élevée qui fragilise les espoirs d’une hausse des indices américains aussi soutenue que celle enregistrée depuis deux ans (+53% pour le S&P 500). A contrario, les actions européennes offrent des valorisations attractives et pourraient bénéficier de certains catalyseurs comme la baisse des taux, la croissance des salaires réels, la normalisation des stocks, un éventuel plan de relance en Allemagne, et, espérons-le, la fin de la guerre en Ukraine.
Par Philippe de Cholet